Vaste port de Crimée aux façades staliniennes, Sébastopol a surtout fait parler d'elle comme ville martyre de la Seconde Guerre mondiale, ou comme base problématique de la Flotte de la mer Noire, partagée, non sans heurts, entre l'Ukraine et la Russie depuis 1997. Andrei Schwartz, lui, est parti à la rencontre de ses habitants sur les quais et les plages de la baie aux eaux bleues et polluées, au fond de laquelle rouillent doucement des navires de guerre et des sous-marins nucléaires. Gamins rouleurs de mécaniques à la peau dorée, octogénaire gymnaste et babouchka sentimentale, pêcheurs d'épaves tatoués ou matelots en goguette, leurs ébats balnéaires donnent à la sévère base navale comme un air de dolce vita. Mais affleure aussi dans cette chronique d'un rivage pas comme les autres la mélancolie d'un monde en déshérence, où enfants perdus et vieillards esseulés conjurent le vague à l'âme en regardant la mer.